Entretien avec Arnaud Lecourt


Arnaud Lecourt, DGS Dinan Agglomération
Entretien réalisé par Pascale Chelin Allanic le 23 avril

Adaptation à la crise :

La difficulté a été l’annonce gouvernementale tardive par rapport à la réalité de la crise sanitaire. Dès le vendredi 13, on a fermé les services et on a annoncé qu’on n’ouvrait pas le lundi. J’ai contacté les collègues et ai donné comme consignes de ne venir au bureau que s’il y avait nécessité (récupérer dossiers, ordinateurs). A 11h, on a fermé. « ça a été lourd à porter, un peu dur, je me suis senti bien seul »
On a monté une cellule de crise avec le Président et on a identifié les services publics essentiels : « aujourd’hui, on parle PCA mais ce n’était pas notre vocabulaire, on n’avait pas préparé de PCA et de toutes façons, il n’aurait pas été conçu pour ce risque-là ».
Services essentiels : la garde des enfants de soignants. Nous avons 13 crèches communautaires, on a diminué le nombre par 3, on a lancé un numéro vert pour les soignants et le personnel médico-social, on était prêts à ouvrir même si on n’avait que 2 ou 3 enfants par structure.
La cellule de crise est composée du Président, du DGS, des 5 DGA, du Dircab
Les instances ont bien fonctionné :
  • Un Codir le lundi (avec le dircab et un Codir plus court le jeudi
  • Des échanges tous les jours avec le Président (très à l’écoute des recommandations de son Codir)
  • Des bureaux communautaires dès le 23/03 tous les 15 jours
  • Réunion de secteur avec les 8 maires et le Président tous les 15 jours en visio (1h30) : échanges entre maires sur les impacts de la crise. Cela maintient le dialogue et permettra de reprendre une vie normale
  • Réunion des 8 Présidents d’EPCI et de leurs 8 DGS + CDG Côte d’Armor tous les 15 jours pour adopter des positions communes sur les modalités de réponse à la crise : ouverture de la déchetterie, des commerces, les primes aux agents, les actions de développement économique. L’objectif est d’éviter la surenchère en adoptant les mêmes règles.

Ce que la crise nous apprend

  • Le sens du service public des collaborateurs, volontaires, organisés, ayant composé avec la situation (masques maison réalisés par des collaborateurs)
Sur 500 agents, environs 100 sur le terrain, organisés en roulement, élaboration rapide d’un planning de rotation jusqu’aux vacances de Pâques ; ¼ en télétravail effectif et la moitié en ASA (garde d’enfants ou maladies chroniques)
  • Nous avons mesuré les bénéfices de la démarche d’innovation publique que nous avions initiée : l’appropriation d’une culture de la résilience, d’une culture de l’agilité, la confiance dans les collaborateurs et la confiance des collaborateurs dans la collectivité nous ont aidés dans la gestion de la crise. On venait de travailler sur la transversalité : un séminaire réunissant les 55 cadres de la CT sur des sujets transversaux (cohésion sociale, centre ville/centre bourg, cycle de l’eau, transition écologique) animés par des directeurs non experts du sujet avec des groupes mélangeant des experts et des non experts.
L’objectif était de préparer une formation pour les nouveaux élus animées par les agents. L’intention est de donner du sens, de repositionner les enjeux (par exemple ; nous avons entre 5 et 8 % d’autonomie énergétique, quel projet politique on se donne ?). Nous reprendrons ces groupes et ces réflexions à l’aune de la crise
  • Je constate que ce qui marchait bien avant la crise a bien marché : nous avons des process internes bien calés, des outils SI performants et, du coup, les finances, la RH, le fonctionnement des Assemblées ont bien fonctionné
  • Nous avions déjà expérimenté le télétravail (1 jour par semaine ou télétravail ponctuel ou travail sur sites distants car notre territoire est grand) : environ 70 agents concernés. La réussite du télétravail va nous conduire à élargir cette possibilité
  • La double temporalité : j’ai été absorbé par la gestion de la crise (achat de masques en groupement de communes , etc ….) et n’étais pas réceptif aux propositions d’aménagement stratégique « ma temporalité n’était pas là »

La sortie de crise 


  • « Le sujet, ce n’est pas de revenir au bureau, c’est de gérer sereinement les priorités » : quelles sont les activités nécessitant une présence dans nos bâtiments ? quels sont les agents n’ayant pas de réseau informatique ou d’outil de télétravail ?
  • Nous allons nous interroger sur la philosophie de certaines politiques, sur certains investissements consommant de foncier et générant de la pollution : on co-finance de gros projets d’infrastructure routière (faut-il investir 15M€ dans la déviation d’une route ?)
  • Nous allons renforcer des projets : les circuits courts étaient encore à l’état expérimental, « c’était déjà un sujet, ce sera un sujet plus fort »
  • Nous allons devoir repenser le modèle classique de développement économique (zones activités) et privilégier la relocalisation de certaines productions
  • Nous allons travailler sur la mobilité en milieu rural (transports collectifs, co-voiturage)
  • Nous n’avons pas encore mesuré les impacts sociaux de la crise
  • Le Directeur des finances est mobilisé sur les impacts financiers de la crise sur l’agglomération pour identifier les marges de manœuvre pour apporter notre soutien au monde économique (sur 9000 entreprises, 8500 ont moins de 10 salariés)

L’accompagnement possible du CNFPT :


  • Accompagner les encadrants sur le management : il risque d’y avoir des tensions entre les agents qui ont travaillé en étant exposés, ceux qui ont télétravaillé, ceux qui n’ont pas pu travailler du tout et l’ont particulièrement mal vécu (célibataires, divorcés)
  • Nous aider à animer nos équipes pour faire un bilan de la gestion de la crise, analyser comment elle interroge nos process (télétravail, numérique) pour élaborer des pistes d’action visant à anticiper d’autres périodes de confinement. Les pistes d’action porteraient à la fois sur les registres organisationnels, humains, managériaux, informatiques… Reste à définir le périmètre (55 cadres, 80 cadres intermédiaires, questionnaires pour les agents ?) et les modalités (présentiel, distanciel ?)
  • Accompagner la relance de notre démarche d’innovation publique sur la prospective : un temps collectif mobilisant élus et cadres pour interroger les politiques publiques en début de mandat.