Confinement sous les tropiques


BRAVO, BRAVO, BRAVO ! Des applaudissements retentissent aux fenêtres et aux balcons, certains lancent des cris joyeux, d’autres sifflent tandis que des klaxons déchirent le silence de la nuit….Il est tout juste 20 heures.
Que se passe-t-il donc ? Ce sont des manifestations qui se produisent tous les soirs pour remercier chaleureusement le personnel soignant qui se bat sans relâche pour nous sauver du virus, ce fameux COVID 19 !
Nous en sommes à la quatrième semaine de confinement et nous avons imité les italiens, les français, les espagnols et autres peuples en applaudissant aussi ! Et chaque semaine nous avons associé les éboueurs, les cuisiniers, les pompiers, les policiers, les aidants, les boulangers, les caissières….tous nos héros. Ainsi va le monde.
Confinée, je suis confinée avec toute ma famille. J’ai la chance d’en avoir une. La nouvelle est tombée juste après le 1er tour des élections municipales. La polémique du maintien ou pas est passée inaperçue. Pas le temps de faire le plein de courses de première nécessité, le plein d’essence, le plein de gaz et surtout le plein de bisous.
Ils ont dit « Restez chez vous », « Rété a kaz » « Rété a Kay zot » interdiction de vous embrasser, interdiction de vous toucher, interdiction de câlins…. Tout a été très vite, nous devions nous organiser, rassurer les enfants, rassurer papy et mamy, que vont-ils devenir ? Il paraît qu’il ne faudra plus aller leur rendre visite, ce sont des personnes fragiles à protéger de nos microbes….sauf qu’ils ont besoin de voir leur famille « en live » et non à distance, pas habitués aux réseaux sociaux et aux amis virtuels. Que vont-ils devenir ? Interdiction de visite pour nos aînés, confinés dans les EHPAD ! Pas de chance pour ceux d’entre eux et ils sont rares qui avaient des visites régulières, les autres, il y a longtemps qu’ils n’espéraient plus de visite….
L’éducation nationale s’est aussi organisée très vite. Le démarrage est laborieux pour Eva, notre petite dernière, qui est en CM2. La maîtresse ne parvient pas à mettre en place la classe virtuelle. Elle s’énerve car elle ne voit pas sur l’écran de son ordinateur portable le visage de ses chers élèves. Elle n’a pas été formée aux classes à distance et internet, ce n’est pas son fort.
  • Allo, Allo, vous m’entendez ? c’est Mlle Firmine
  • Oui, Mlle Firmine, on vous entend mais on ne vous voit pas sur l’écran
  • Ah bon, pourtant j’ai suivi le tutoriel du rectorat à la lettre !
  • Mlle Firmine, il faut enlever le cache de votre caméra
  • Ah bon, mais il est où ce cache ?
  • En haut à droite de l’ordinateur, il faut pousser le bouton
  • Mais je ne vois rien, vous êtes sûr ?
  • Oui, c’est comme cela qu’il faut faire
Après plus d’un quart d’heure d’échanges avec ses élèves, la bouille de Mlle Firmine apparaît enfin sur l’écran. Les élèves mi-amusés, mi-déçus commencent enfin leur leçon de français. Cela fait trois mois qu’ils n’ont pas eu cours en présentiel à cause de la grève contre la réforme des retraites, ils avaient perdu le contact avec l’enseignante.
Pour ma part, en plus d’être confinée, je suis devenue enseignante. Moi qui n’étais pas douée en maths et en physiques, je dois accompagner aussi Alex qui est en quatrième. Bien sûr, je fais bonne figure, sûre de moi, je pose des questions sans vraiment connaître les réponses. Bien évidemment Arthur, mon compagnon, me laisse faire, il pense avec raison que je m’en sortirai bien mieux que lui ! Du coup, je lui laisse le soin de faire les courses et de remplir la fameuse attestation autorisant les sorties du domicile.
Je regrette d’habiter en appartement. Eh oui, si nous avions un jardin, le confinement aurait sans doute été plus facile à vire. Mon amie, elle, a un grand jardin, en plus elle a des arbres fruitiers et son mari élève des poules et des lapins. Imaginez, elle a des œufs frais tous les jours. Moi je dois attendre la livraison des œufs à la supérette du coin, qui ne se fait que le jeudi. Inutile de vous dire qu’il faut pousser la queue. Et comme j’ai promis aux enfants de leur faire « atelier cuisine » le mercredi, il me faut absolument des œufs.
Le 1er mercredi du confinement, je n’ai pas trouvé d’œufs, je pense que tout le quartier a dû en acheter et quand je suis arrivée au rayon du frais, il n’en restait plus un seul ! Pour sauver la face, je me suis mise à chercher sur internet, des recettes de gâteaux sans œuf. Eh bien oui, ça existe et j’ai confectionné mon premier gâteau aux carottes, sans œuf. Il avait très bon goût mais les enfants étaient fâchés car la séance de la séparation des jaunes et des blancs d’oeufs avait disparu de la recette ! Ils prenaient un malin plaisir à faire monter les blancs en neige à tour de rôle ! A la place, ils ont râpé les carottes.
A l’extérieur, la température monte, c’est le carême, saison la plus chaude de l’année où le thermomètre avoisine plus de 30 degrés. C’est le bon moment pour se rendre à la plage. Eh bien, non, pas de sortie plage. Tous les maires ont pris des arrêtés d’interdiction de baignade ! Au début du confinement notre cher Président nous avait rassurés en déclarant que nous étions autorisés à pratiquer une activité physique. Chouette, nous pourrons nous baigner au moins, avais-je dit aux enfants !
Eh bien non, pas de baignades ! Et pour corser les choses, nous avons reçu sur nos portables la liste des quartiers et des communes où les coupures d’eau seraient tournantes cette semaine ! Comment faire pour se laver les mains régulièrement, oui, ils l’ont dit à la télévision et à la radio, toute la journée, lavez-vous les mains au gel hydro alcoolique ou au savon de Marseille ! Donc, il a fallu faire des réserves d’eau au moins pour les toilettes et la vaisselle. Surtout quon disposait d'un lave-vaissale un peu gourmand en eau. Il fallait avoir des idées pour arriver à faire la vaisselle, malgré ce manque d'eau qui nous gêttait.
Au début du confinement, il a bien fallu s’organiser pour garder un semblant de vie sociale. Alors le matin, réveil des enfants à huit heures, préparation du petit-déjeuner, douche et début des cours comme à l’école.
De mon côté, j’ai pris mon agenda pour noter toutes mes réunions virtuelles de la semaine. Attention, il fallait du wifi pour toute la famille. Et un ordinateur disponible et une imprimante ! Cela signifie du papier et de l’encre dans l’imprimante.
  • Chacun son tour ai-je dit et on fait des économies. Vous savez bien que les cartouches Canon on ne les trouve pas dans les grandes surfaces ! A raison d’une attestation par jour, il faut gérer le papier avec parcimonie.
Ce matin, en écoutant les nouvelles, j’apprends que nos agriculteurs s’organisent aussi. Ils ont décidé d’écouler leurs marchandises et pratiquent le drive comme chez Mac’do. Heureuse de la nouvelle, je me suis réveillée tôt, j’ai rempli mon attestation et je suis partie en voiture sur les lieux du drive. Eh surprise je n’étais pas la seule…. Une longue file de voiture s’étendait aux abords du drive. Comme tout le monde, j’avais bien envie de produits frais locaux et surtout je tenais à faire un geste pour nos agriculteurs. Une heure, une heure de roue dans roue pour parvenir enfin à récupérer ma boîte de 10 kg de légumes pays. Enfin, je pourrai faire plaisir à ma famille et leur préparer un bon gratin de christophines.
Retour à la maison. Et là, je tourne la clé dans la serrure et je trouve une maisonnée silencieuse. Pour cause, les enfants ne se sont pas réveillés et mon compagnon est toujours dans les bras de Morphée. Je m’empresse de m’asperger de gel hydro alcoolique. Personne ne s’est aperçu de mon départ matinal. Eh bien, je n’ai fait, ni une ni deux, j’ai remis ma chemise de nuit et je me suis recouchée ! Ce sera une grasse matinée pour moi aussi !
Puis, dans la nuit, je me retrouve à la recherche de ma fille Eva, je suis persuadée qu’elle dormait à mes côtés mais elle a disparu. Je me réveille en sursaut, en sueur, en criant « Eva où es-tu passée ? « Assise sur mon lit, hébétée, paniquée, je décide alors de la chercher sous le lit, je tends mes bras sous les tapis, rien….et je me cogne la tête sur les rebords du lit, ce qui a le mérite de me remettre les idées bien en place. Tu as fait un cauchemar ma grande ! Eva est dans son lit !
J’ai tellement honte que je me recouche vite, comme si de rien n’était ! Ha ce confinement, il me rendra folle.
La radio lance un appel ce matin pour trouver des couturières volontaires qui pourraient réaliser des masques en tissu. Et je me dis, pourquoi pas moi. Je descends rapidement à la cave récupérer la vieille machine Singer, héritage de ma grand-mère Ernestine.
Après nettoyage, j’installe la machine sur la véranda, au frais, et je commence à y mettre de l’huile, elle n’a pas fonctionné depuis mathusalem ! Et elle repart tout doucement en ronronnant. Je suis très contente, cela me fera une occupation de plus et je serai utile. Je n’oublie pas que ma sœur est infirmière dans l’hexagone ainsi que mon neveu, ma nièce, elle, est médecin ainsi que son mari, ma cousine est médecin aussi, donc j’ai de la famille personnel soignant.
Je contacte l’organisateur de l’opération et je m’inscrits parmi les couturières volontaires, solidaires. Je dois aller chercher le tissu et surtout les patrons qui serviront pour la réalisation des masques selon des normes d’hygiène bien précises. Et me voici équipée pour travailler. Interdiction aux enfants de toucher le matériel et de s’approcher de moi. Mon espace doit être sécurisée. Ma famille est fière de moi. A travers la baie vitrée, les enfants s’amusent à compter le nombre de masques réalisés. J’ai l’impression d’être une héroïne.
Je ne l’ai pas dit à mes amies mais au début du confinement, quand tout le monde cherchait des masques, ils étaient en rupture de stock à la pharmacie, un ami m’a apporté en douce une boîte de 50 masques FFP2, ceux destinés au personnel soignant. Il en possédait simplement dans sa cave depuis la grippe aviaire. Ils ont un bec et on ressemble à un pingouin avec ça sur le visage ! Que voulez-vous c’est le système D, il fallait bien que je protège papy et mamie en leur apportant leurs courses ! Et à la télévision, on a dit que les foulards, ce n’était pas bon pour faire barrière au virus, alors !
Ce matin, c’est l’heure des milans. J’en profite pour appeler les copines que je n’ai pas eu depuis longtemps. Je vais prendre des nouvelles d’Albertine. Elle est en quarantaine. Figurez-vous qu’elle est partie en croisière avec son époux et ses enfants dans la Caraïbe, à 90 euros la cabine sans balcon, elle n’a pas résisté. Elle m’avait appelé avant de partir pour me faire profiter de ce tarif promotionnel. Mais j’avais bien entendu aux nouvelles que le virus se propageait à grandes vitesses dans l’hexagone et notamment en Italie, alors ce n’était pas pour moi ! La veille du départ, elle était un peu inquiète tout de même mais ses enfants lui ont dit : de toutes les façons si tu dois attraper le virus tu l’auras aussi en restant chez toi. Alors elle a pris la décision de partir et d’oublier tout cela, l’espace de la croisière.
Au début, elle m’a envoyé des photos via whatsApp pour me faire suivre ses différentes escales, elle avait un beau sourire à côté de son époux. Et je me suis dit, finalement tout compte fait, elle a fait une bonne affaire ! J’avais presque des regrets ! Et puis, plus rien, aucune nouvelle les jours suivants. Là, je me suis dit, elle doit être en quarantaine dans sa cabine ! Elle n’ose pas me l’avouer. Comme j’ai du toupet, j’ai tenté de l’appeler via whastApp, et suis tombée sur sa messagerie ! J’ai tout de même prêté l’oreille pour voir si on ne parlait pas de son bateau de croisière aux informations. Et puis, trop inquiète, j’ai appelé une de ses filles qui était restée chez elle. Elle m’a rassuré en me disant que tout allait bien, qu’elle avait pu descendre à toutes les escales sans problème et que le bateau était nettoyé régulièrement, sauf qu’elle n’avait plus accès au wifi gratuit du paquebot !
A son retour, elle a eu droit à la prise de température et elle a pu regagner son domicile sans encombre. Elle a alors décidé, d’elle-même, d’observer une quarantaine, au cas où.
Ce matin, c’est mon premier cours de fitness. Eh oui, j’ai décidé de faire de l’exercice, car le confinement c’est bien beau mais je ne veux pas changer de taille de vêtement à la reprise ! J’ai trouvé, grâce à une copine, un site qui permet de faire du sport à la maison et de transpirer. Le professeur, un beau jeune homme bien musclé se présente sur l’écran de mon ordinateur et demande à ses élèves virtuels de prendre un tapis, une serviette et une bouteille d’eau et de s’armer de courage ! Il est très enthousiaste. Le cours va commencer au rythme endiablé d’un orchestre cubain ! Et un et deux, on saute, on saute, on s’étire, on continue, on ne lâche pas, je vous vois sur la caméra, courage, on souffle, on inspire, on souffle….. Au bout d’un quart d’heure, ça y est, je transpire à grosses gouttes ! Les enfants sont heureux, ils sont de la partie. Comment leur refuser de m’accompagner ! Mon cours se termine, je suis contente, ce n’est pas mal finalement pour se mettre en condition physique le matin.
Après ce cours de fitness, je passe à la douche et je prépare le petit-déjeuner pour la famille. Mon compagnon a pu trouver des melons et de l’ananas donc ce sera un petit-déjeuner light à base de fruits frais. Les enfants apprécient, cela change du traditionnel bol de lait et corn flakes.
Que faire aujourd’hui ? C’est samedi et d’habitude le samedi, on fait les courses en grande surface, on va laver la voiture à la station-service. Un samedi sur deux, c’est la séance cinéma ou sortie à la plage avec des amis. Les enfants m’interrogent. Ils ont envie de rendre visite à leurs grands-parents. Je leur explique que cela n’est pas possible. Alors ils prennent le téléphone et discutent avec eux en leur racontant leur journée. A court d’idées, j’appelle une copine.
  • Dis-moi tu fais quoi aujourd’hui ? Elle m’annonce qu’elle va faire un pain au beurre avec ses enfants et après une séance de jeux de société, tu sais le jeu de Sabine ANDRIVON-MILTON, la prof d’histoire qui nous fait découvrir les communes de la Martinique. Super, je vais faire exactement comme toi et on échangera nos photos.
Et c’est parti. Je fais l’inventaire des fournitures nécessaires à la confection du pain au beurre. Heureusement, je dispose de tous les ingrédients. Les enfants sont ravis et motivés, il y a de la compétition dans l’air. Il faut à tout prix réussir le pain au beurre. Nous nous activons dans la cuisine et pour corser le tout, je leur donne à chacun un de mes tabliers et je confectionne dans du papier blanc des toques de chefs. Je fais des photos que je poste à ma copine !
Les enfants sont impatients, ils pétrissent la pâte à tour de rôle, ils tournent ensuite devant le four et trouvent que le temps de cuisson est trop long. J’installe le jeu de société sur la table et nous commençons à lancer les dés et à nous affronter. De fous rires en fous rires nous faisons passer le temps. Les enfants posent des questions à leur père et ils font appel à leurs grands-parents pour les sujets « antan lontan ». C’est une excellente idée d’avoir créé ce jeu qui, mine de rien, nous divertie et nous instruit en même temps. Faites vos jeux !
Tous les mardis matin, j’ai une visio à 4 heures avec mes collègues de Paris. Je fais partie des joyeux télétravailleurs. Eh oui, ils oublient toujours le décalage horaire pour les « DOM-TOM », comme ils nous qualifient. Je mets donc le réveil et je me débarbouille, histoire de paraître bien réveillée devant la caméra. Et je conserve le bas de mon pyjama ! J’ai dû mal au début à ouvrir les yeux et surtout à comprendre ce qui se dit. Mais lorsque la question est posée : êtes-vous d’accord, je balbutie un oui comme tout le monde sans avoir tout compris. Il me faut au moins quinze minutes pour être opérationnelle. Les questions s’enchaînent et l’ordre du jour est épuisé. Rendez-vous semaine prochaine ! Oups, la DG a vivement réagi et a fixé dorénavant la visio hebdomadaire à quatorze heures ! Management agile.
Pour ma part, J’ai fixé mes réunions virtuelles avec mes équipes une fois par semaine, histoire de garder le lien et de tenter de travailler à distance. Quelle histoire. Je me pose des questions. Comment mes collaboratrices qui ont de jeunes enfants s’organisent-elles pour allier le télétravail, les cours des enfants, les courses et le soutien apporté aux grands-parents ? Je ne veux pas être trop envahissante et j’évite de les appeler trop souvent par téléphone. Cependant, je reçois des appels et des mails de nos prestataires qui s’inquiètent de ne pas voir sur leur compte bancaire le paiement de leurs factures. Ce confinement est compliqué à gérer. Comment vais-je retrouver mes troupes lors de la reprise ? C’est une préoccupation supplémentaire.
Je décide de me faire un programme pour la semaine. Petit à petit on s’habitue au confinement. On observe davantage les voisins. On n’a pas l’habitude de les voir aussi souvent sur leur balcon. Eh bien ce matin, je me suis aperçue que j’avais deux voisins médecins au SAMU, je les vois partir à l’hôpital très tôt et revenir très tard et tout le monde les applaudit régulièrement.
Un journaliste très connu habite aussi la résidence ainsi qu’un responsable politique. Ce n’est pas du macrélage, c’est tout simplement un constat. Tous les soirs, je retrouve mes amis pour un apéro virtuel, c’est devenu un rituel comme les applaudissements pour le personnel soignant. J’installe les verres et les bouteilles et nous discutons à travers ma tablette et n’oublions pas de célébrer par un « tchin » nos retrouvailles. J’observe les déambulations dans la rue de personnes portant le masque, d’autres des gants, d’autres le foulard, chacun se protège comme il peut.
Une autre activité occupe également ma journée : visionner les vidéos que l’on s’adresse et qui font passer le temps. Fey touné. Cela passe de l’infirmière qui témoigne : « Restez chez vous » ! du médecin qui estime qu’il faut que toute la population, infectée ou pas, porte un masque, de celui qui au contraire dit qu’il faut se laver les mains et observer une distanciation sociale d’un mètre, des apprentis cuisiniers qui s’échangent des recettes, des coachs en tout genre, coach sportif, coach nutritionniste, coach superviseur, des comiques, des blagues coquines…Et des défis en tout genre que se lancent les internautes.
Sur la route, les vendeurs de fruits et légumes, certains restaurateurs ont repris de l’activité. Timidement au début et puis ouvertement. Eh oui, ils ont besoin de vivre après tout, ils ne sont pas fonctionnaires, eux ! Les repas à emporter fleurissent aux quatre coins de l’île.
Je reçois un appel d’un de mes collaborateurs, pêcheurs de crabes à ses heures perdues. Je lui passe commande tout en réfléchissant sur le motif que je vais devoir cocher sur l’attestation dérogatoire pour aller les récupérer à l’autre bout de l’île. Ma mère, experte en matoutou de crabes se fera un plaisir de s’occuper et de me préparer comme tous les lundis de Pâques ce plat si apprécié par la famille. Faute de sortie, couvre-feu déclaré par le Préfet, nous dégusterons nos crabes autour de la table, en musique et en tenue de plage. Why not ?
Par ailleurs, des études sont lancées pour connaître les motivations profondes d’achats impulsifs de « papier cu ». Pourquoi est-ce une priorité qui passe bien avant l’acquisition des masques ou de gels hydro alcoolique. Pourquoi on aperçoit çà et là des hommes seuls, assis dans des voitures stationnées, téléphone portable à la main ??? Ils n’ont pas de domicile ?
Je me demande comment la Martinique va se relever de tout cela ! J’ai une pensée pour les élus qui se sont battus pendant la campagne électorale pour accéder au poste de Maire. Ils ont voulu être aux affaires, eh bien ils sont servis. Nous sommes dans de beaux draps !
Plus un seul bateau de croisière dans la rade, plus un seul avion dans le ciel à l’exception de la Compagnie Air France qui assure trois rotations par semaine, histoire de nous apporter des denrées de l’hexagone non produites localement et surtout des masques !
Les initiatives locales fleurissent. Ainsi les distilleries de rhum fabriquent du gel hydro alcoolique à base de rhum et interdiction d’en avaler ! Des start-up mettent au point des visières réalisées en 3D dont le financement est assuré par une cagnotte en ligne. Des bonnes volontés livrent des repas aux SDF et aux familles nécessiteuses. Nos artistes rivalisent de créativité sur le thème du confinement. Nos radios modifient leurs programmes pour se mettre au rythme du confinement, on voit apparaître l’heure de la méditation, l’heure de la messe, l’heure du yoga, l’heure du rire et du défoulement !
J’apprends non sans une certaine émotion qu’un de mes amis a perdu sa mère, atteinte par le virus. Confiné lui-même suite à une croisière dans la Caraïbe, il n’a pu lui faire ses adieux et être présent à ses côtés. Cette nouvelle m’a attristée car je connaissais bien sa maman et je demeure persuadée que partir seule, cela doit être douloureux pour celui qui part et pour celui qui reste.
Je me retourne vers mes enfants, vers mon compagnon et je me pose des questions existentielles. Et si par malheur le virus touchait un des membres de ma famille ! Comment l’accepter ? Comment continuer à vivre ? Et si j’étais moi-même touchée et déclarée positive ?
Ce confinement m’incite à réfléchir à la vie tout simplement et à l’amour que nous devrions témoigner à nos proches et à notre entourage. Plus d’amour dans les cœurs de chacun ! Moins d’égoïsme, plus de fraternité ! Aujourd’hui confinés, nous apprenons la privation de liberté. Une note d’espoir jaillit : demain sera-t-il mieux qu’aujourd’hui ? Demain serons-nous plus responsables de nos actes ?
  • Ce confinement a permis à la terre de se refaire une santé, donnons-lui une chance de ne pas replonger en arrière, bousculée par nos excès en tous genres.


Soixantième semaine de confinement. Plus personne ne se parle dans la maison. Le port du masque fait partie de notre garde-robe. Les enfants ont grandi, ils sont désormais à l’étroit dans leurs vêtements. Leurs doigts ont pris cinq centimètres à force de pianoter sur leur tablette….
Tous les jours je redoute l’annonce du déconfinement. Nos stagiaires sont devenus des as de la formation à distance, autonomes, experts en MOOC, en webinaires et en e-communauté, ils ne souhaitent plus se retrouver « confinés » dans des salles de formation.
Mes équipes sont hyper organisées, réglées au rythme des CODIR à distance, à la cellule de crise, aux règlements des factures, aux remboursements des frais de déplacement, aux webinaires, aux e-communautés thématiques et autres….leur jardin regorge de fruits et de légumes, autosuffisance assurée. Leur CET a explosé les compteurs, les congés annuels cumulés, aucun agent n’est prêt au déconfinement. Il faudra inventer une action de formation innovante : sortir du confinement sans déconfinement présentiel.
Pour ma part, j’ai un doute. Contactée par la télévision locale, rachetée par un grand groupe chinois, intéressée par la nouvelle que vous êtes en train de dévorer, je dois prendre une décision : accepter ou non la réalisation d’un feuilleton inspiré par ma production. Je serai l’actrice principale….
Désormais, je m’exprime d’une façon très fluide en madarin, en japonais et en grec. Douée pour les langues, non par vraiment, j’ai juste remporté un défi lancé sur facebook auquel j’avais adhéré sans trop y croire !
J’ai oublié de vous dire que je suis végan, j’ai perdu 10 kilos, les cours en ligne d’un certain Youri ont été d’une efficacité redoutable et mes abdos sont visibles. J’ai dû refaire toute ma garde-robe en ajustant mes vêtements. Je suis très intéressée par les robes vintage et les robes pas chères des années 50 aux années 60 que j'ai trouvé ici, en particulier les robes qui marquent le mouvement Rockabilly. Je médite tous les matins et tous les soirs. Je déambule, zen, dans ma cuisine. J’ai lu et relu tous les livres de ma bibliothèque y compris l’histoire de France en 10 tomes. Je suis passée aux e-book et autres audio-livres. Tout est bien rangé, bien numéroté, bien astiqué dans toutes les pièces repeintes de la maison. Plus personne ne se parle, la langue sourde est efficace avec le masque, le silence est fortement bruyant, troublé par les chants des oiseaux agglutinés sur les garde-corps de la véranda. Youyou, le chat n’a plus la force de les chasser, lui aussi est troublé par le confinement. Experte en fabrication de colis destinés aux plus fragiles de la société, fabricante de masques en tissu de toutes les couleurs, coach professionnelle, j’organise des séances d’accompagnement pour cadres hyper actifs désireux d’anticiper la reprise….Je participe activement « à la riposte créative territoriale » au milieu d’une atmosphère agitée, passionnée et confinée.
J’écoute le monde à la recherche du vaccin qui sauvera l’humanité. L’Afrique est en pole position. Pour une fois l’histoire s’inversera-t-elle ?


Arlette PUJAR
Autrice confinée