Interview de Stéphanie Berbille
Entretien téléphonique du jeudi 7 mai 2020 réalisé par David Poncet
Avec :
Stéphanie Berbille - DGS Communauté de communes Millau Grands Causses (12)
1) Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
15 communes
30 000 habitants
63 agents
2) Comment vous êtes-vous adapté à la crise ?
Tous les agents ont été mis en télé travail sauf les agents de collecte des ordures ménagères (18 agents). Nous étions déjà dans une dynamique de test du télé travail dans la continuité du projet d’e-administration, donc le déploiement a été facilité (système informatique, nombre de postes, etc.)
J’ai maintenu la réunion d’équipe de direction hebdomadaire. Dans un premier temps nos échanges ont plus porté sur la manière dont nous vivions la période, avec des partages, de l’écoute ; le retour sur les projets en cours et le travail effectué est arrivé dans un second temps.
Concernant le plan de charge et les objectifs de travail, la priorité s’est portée sur l’économique avec l’élaboration d’un Plan exceptionnel de soutien à l’économie locale.
Mais nous avons pu également continuer à avancer sur d’autres projets, comme par exemple le projet de construction d’un Complexe sportif pour lequel nous avons pu faire des réunions à distance avec les architectes et préparer les appels d’offre.
Le 1er conseil communautaire en visio-conférence s’est tenu fin avril pour adopté le Plan exceptionnel de soutien à l’économie locale. Cela s’est bien passé et nous avons même vu des élus, que nous ne voyons plus depuis quelques temps, revenir participer au Conseil.
Enfin, le Président et moi nous sommes accordés sur le fait qu’il fallait être attentif aux agents et surtout ne pas rajouter du stress à une situation déjà très anxiogène. J’ai donc tenu à jouer un rôle tampon durant toute cette période.
3) Qu’est–ce que cette crise vous apprend ?
Sur le management : certains managers ont été déstabilisés. En fait la période a amplifié les situations et postures de chacun.
Je crois que le fait que je rassure, que je donne la tonalité générale a permis aux autres managers de prendre ce rythme, d’être à l’écoute de leurs agents, bienveillants.
De fait les priorités se sont inversées : les objectifs et les projets au second plan, et l’attention aux autres, aux agents a été mise au premier plan.
Finalement cette crise a permis de vivre un grand moment de partage. Nous étions tous dans la même galère, tous concernés par la même chose. Ce partage et cette union ont été ressentis très fortement au niveau du collectif. J’espère que demain plus personne ne dira que c’est impossible, alors que collectivement nous avons rendu possible beaucoup de choses.
Ma responsabilité aujourd’hui est d’arriver à prendre et garder du recul pour capitaliser et repartir différemment, avec les forces que l’on a gagnées au cours de cette expérience.
Enfin, avec le Plan exceptionnel de soutien à l’économie locale on a démontré que la Communauté de Communes n’était pas uniquement dans l’incantation mais aussi et surtout dans l’action concrète. Notre marque de territoire « Style Millau » s’est ainsi matérialisée auprès des acteurs locaux et des habitants. Cela a permis aussi un maillage plus fort des acteurs locaux et l’ancrage des coopérations à l’échelle du territoire.
4) Comment envisagez-vous la reprise ?
Progressivement : nous allons continuer le télé travail jusqu’à la fin du mois de mai.
J’envisage également de revoir les priorités de travail et de projet, en fonction de comment l’environnement a bougé, comment les besoins ont changé. Il s’agit de vérifier si les objectifs de début d’année coïncident toujours avec la situation actuelle ou s’ils doivent être adaptés à de nouveaux besoins. Cette analyse sera également à croiser avec l’impact budgétaire de la crise sanitaire (actuellement évalué à 1,5 millions d’euros).
Au niveau budgétaire, nous avons réorienté certains budgets pour couvrir notamment les dépenses non prévues (exemple les masques…). On travaille maintenant sur des tableaux de bord pour avoir une visibilité de ces dépenses et nous envisageons une décision modificative en juillet. De manière générale les élus ont accepté de « dégrader » la situation financière pour permettre la relance de l’économie. On va devoir revoir nos programmations budgétaires et notre pacte fiscal pour 2021.
5) De quelles compétences nouvelles aurez-vous besoin ?
La question du management me semble centrale, notamment savoir manager dans l’incertitude, à distance et en télé travail. Il faut également apprendre aux cadres à savoir quoi faire avec l’intelligence émotionnelle, les aider à intégrer cette dimension dans leur management et la relation à leurs collaborateurs.
Il faut développer l’agilité des collaborateurs, les autoriser à faire des choses en dehors de la fiche de poste, comme cela s’est produit lors de la crise sanitaire avec des résultats très intéressants en matière de prise d’initiative, d’autonomie, de créativité et de responsabilisation.
Enfin, pour nous il nous faut construire un service RH à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui.
6) Quel accompagnement possible par le CNFPT ?
Je pense que le CNFPT doit aller vers du « sur-mesure » avec les collectivités, travailler « au plus fin » là où situe le besoin, descendre à l’échelle du territoire. C’est là où ça se passe et c’est là où le CNFPT peut vraiment nous aider à avancer en faisant de la formation un levier stratégique dans le pilotage et l’évolution de nos organisations, de nos administrations, mais également dans la conduite des projets de développement de nos territoires.
Echange complémentaire le 13 mai, quelques jours après le déconfinement
Le premier jour de retour au bureau lundi, même en petit comité, a été assez perturbant dans la mesure où les repères avaient changé (2 mois en télétravail, c'est tout sauf anodin !) ; hier déjà, ça allait mieux. Et puis, il faut clairement apprendre de nouveaux gestes et réflexes sur le plan sanitaire, des circulations, de la relation à l'autre, rien d'évident en somme !
Le côté progressif est nécessaire pour que chacun se rassure.
Ce matin en réunion de direction, Vincent (qui fait partie de l'équipe projet pour le prototypage du nouvel espace de travail avec 2 de ses agents) m'a dit que ces dernières étaient rassurées et contentes d'aller dans un nouveau lieu très rapidement (le 8 juin) et de ne pas retourner dans leurs bureaux, au motif notamment qu'elles avaient appris à fonctionner différemment avec le confinement et qu'elles ne se voyaient pas revenir en arrière ! (bon signe !). Le rapport au bureau et aux espaces de travail va changer c'est évident.
Nos organisations ont été clairement bousculées et ce n'est pas fini. A la différence peut être que la demande viendra d'abord des agents et pas uniquement des managers. Encore des challenges en perspective vers l'administration de demain.